Toncarton est allé à la rencontre d’une coursière en vélo cargo pour vous faire découvrir son métier.
En journée, elle sillonne les rues de Paris avec son vélo triporteur. Le reste du temps, elle joue au foot et étudie.
Jade Descamps, 25 ans est originaire de la ville d’Amiens. Elle est coursière indépendante depuis 3 ans et c’est l’une des rares femmes à exercer cette activité.
Avec un Bac ES en poche et une licence en science de l’éducation obtenue en 2018, Jade vit désormais de sa passion : coursière en vélo cargo.
Un parcours semé d’embûches
Après avoir essayé différentes formations, Jade, perdue face à ses choix d’orientation décide de se lancer dans des études en science de l’éducation afin d’exercer le même métier que sa mère : professeur des écoles. « Quand on ne sait pas où l’on va, on regarde d’où l’on vient » déclare-t-elle. Après avoir mis un pied dans ce métier à travers quelques expériences, elle a rapidement compris que ce n’était pas fait pour elle « Il y a une pression et une charge de travail tellement énorme par rapport au peu de reconnaissance qu’il y a derrière, que ce soit une reconnaissance sociale et même financière ».
Premiers pas dans le métier de coursier à vélo
Déjà présentes dans les grandes villes de la métropole, les plateformes UberEat et Deliveroo se lancent dans la petite ville d’Amiens en 2018. C’est sans aucune hésitation que Jade saute sur l’occasion et s’inscrit sur ces plateformes en attendant de trouver une formation qui l’intéresse.
Elle débute son activité après avoir déniché un vélo classique, même un peu rouillé. Déterminée, elle arpente le bitume et effectue des shifts de 3 heures le midi et 4 heures le soir. Jade parvient ainsi à continuer de jouir de son indépendance et de son autonomie tout en réalisant un chiffre d’affaires plutôt intéressant (entre 2000 et 2500 euros brut par mois). « Pourquoi aller faire une formation pour gagner 1300 euros net en tant que professeur alors qu’on peut bien gagner sa vie en faisant du vélo ! ».
Après avoir travaillé quelques mois pour ces plateformes, Jade se rend rapidement compte de l’envers du décor « Avec ce système d’applications, on est comme des pantins, il y a énormément de coursiers, une masse qui fait que l’on n’est qu’un simple numéro parmi d’autres ».
Elle recherche alors une activité moins ubérisée, plus structurée, toujours à vélo. C’est à ce moment qu’elle décide de venir s’installer à Paris et découvre le métier de coursier en vélo cargo. Cette activité lui permet d’être beaucoup plus épanouie, elle parvient même à trouver cette reconnaissance qu’elle recherchait tant dans ce métier.
Indépendante, aujourd’hui Jade propose ses services de livraisons en vélo cargo à ses propres clients et travaille également pour des plateformes plus structurées, plus respectueuses des conditions de travail. Elle n’a aucun regret pour ses choix de vie et y voit de nombreux avantages.
Le métier de coursier en vélo cargo
Longtemps emblèmes de la capitale mondiale du vélo, Amsterdam, les vélos cargos se sont récemment imposés dans le paysage parisien. Cette solution propose de nombreux avantages pour les professionnels notamment pour la livraison du « dernier kilomètre ». Cette ultime étape de la livraison au client final est généralement la plus coûteuse de la chaîne de distribution, financièrement et écologiquement.
La livraison en vélo cargo permet ainsi d’avoir un impact direct sur le développement durable de la ville tout en offrant un service au coût compétitif et adapté selon les besoins de ses clients. « Contrairement à un utilitaire, la livraison en vélo cargo à Paris est plus rapide, plus éco-responsable, plus atypique et ça attire le regard ! On a souvent une histoire à raconter lorsqu’on se fait livrer en vélo cargo » sourit-elle.
Coursier à vélo, un métier dangereux ?
Bien entendu, ce métier n’est pas tous les jours facile. Le coursier travaille à l’extérieur, quelle que soit la saison et doit subir les intempéries, les imprévues et la circulation sur la route. C’est un métier où il ne faut surtout pas confondre vitesse et précipitation. Avec le temps et l’expérience, Jade a appris à gérer son stress.
« Lorsqu’on débute, il faut rester vigilant et y aller doucement. Du moment où on est calme et mesuré, ce n’est pas dangereux comme métier. Il faut apprendre à anticiper et à rester prudent dans tous ses déplacements » explique-t-elle. De plus, avec l’essor des pistes cyclables, les coursiers se sentent plus en sécurité et cela permet de fluidifier le trafic.
C’est une activité qui demande tout de même une bonne condition physique. C’est la raison principale de l’important turn over dans ce métier.
« Payée pour faire du sport »
Le principe est simple : plus elle fait de kilomètres, mieux elle est rémunérée. D’où l’avantage d’avoir un bon coup de pédale. Pas un problème pour Jade puisqu’elle pratique le football à haut niveau depuis plusieurs années. « Je suis payée pour faire du sport donc cela me plaît ! ».
Le gros avantage du métier étant la pratique d’un sport et d’un loisir en plein air, notamment lorsque la météo s’y prête. De plus, physiquement ce métier permet d’avoir une excellente hygiène de vie et d’améliorer sa condition physique. « Je sens mon corps plus en forme que jamais. J’ai beaucoup plus d’énergie, de force, je sens que je suis en pleine possession de mes moyens » déclare Jade.
Coursier à vélo, une activité fortement masculine
Il est difficile de trouver des chiffres quant au nombre de femmes qui travaillent en tant que coursières à vélo. Ce qui est toutefois évident à constater, c’est qu’il s’agit d’un secteur majoritairement masculin. S’agissant d’un métier sportif, des stéréotypes sur la performance pèsent sur les femmes, obligées de montrer qu’elles sont tout à fait à la hauteur de leurs collègues hommes, comme le témoigne Jade, « C’est très rare qu’il se passe un jour de travail sans qu’il y ait un passant ou un client qui me fasse une remarque sur le fait que je sois une femme qui pratique cette activité ».
La place de la femme dans le sport est très dénigrée. En tant que footeuse, Jade a déjà entendu de nombreux préjugés sur les femmes.
La jeune sportive rappelle qu’il existe certes une différence biologique et physiologique entre la femme et l’homme mais elle nous garantit, avec ses trois années d’expérience, qu’elle peut clairement rivaliser avec un homme dans ce métier.
Mais comment dépasser les stéréotypes de genre ?
Il est possible d’entamer des actions pour lutter contre les inégalités. Jade pense qu’il faut davantage « rendre visibles les femmes coursières » puisque le métier n’est pas suffisamment médiatisé. Elle rebondit en soulignant qu’« il est nécessaire d’encourager davantage de femmes à devenir coursières ». Son rôle va être de faire tomber tous ces préjugés et de montrer à des jeunes filles passionnées de vélo qu’il est tout à fait possible de se lancer dans cette activité.
Le plus grand enjeu, c’est alors, encore une fois, l’éducation. Seul un vrai changement de mentalité permettra d’un côté, que les hommes dépassent certains stéréotypes de genre et, de l’autre, que les femmes se sentent plus en sécurité à postuler même pour des emplois considérés comme masculins.